TÉLEX POUR LA SOLIDARITÉ 05/2016 - Monter l’échelle ou changer d’échelle ?
À l’heure où le modèle européen est constamment remis en question et où les inégalités sociales ne cessent de s’accentuer, la vision utopique d’une communauté égalitaire dans laquelle chaque individu aurait les moyens d’accéder au bonheur est en souffrance. Le diktat du marché et la diffusion d’un modèle sociétal fondé sur la compétitivité ne permettent pas d’aborder l’avenir avec sérénité. À l’instar d’une vision ascendante de la réussite sociale, il est temps de considérer la solidarité comme un moyen efficace de faire lien à l’échelle européenne, et les entreprises sociales comme actrices prépondérantes dans ce contexte.
La stabilisation inquiétante du nombre de demandeurs d’emploi par-delà les frontières, l’exacerbation des inégalités sociales, l’incapacité des politiques publiques à pallier ces phénomènes, obligent les acteurs sociaux et les citoyens européens à se mobiliser. Notons que les initiatives locales sont nombreuses et innovantes mais insuffisantes ! Si la solidarité naît d’un groupe d’individus et d’un territoire, elle doit s’inscrire dans une perspective plus globale qui traverse les frontières mais aussi les champs de compétences.
De plus, l’arrivée massive des technologies de l’information et de la communication transforment en profondeur le monde du travail et plus particulièrement ses modalités d’accomplissement. L’économie collaborative proposera peut-être un nouveau modèle sociétal dans lequel le temps de travail est réduit et aménagé. L’économie du savoir et de la connaissance permettrait à tout un chacun d’apprendre tout au long de la vie grâce à un emploi plus adapté et moins contraignant.
Les entreprises à finalité sociale, de par leur expertise et leur engagement, doivent œuvrer à la diffusion de cette nouvelle approche dans un contexte global. Il est temps de briser le « plafond de verre » qui les cantonne à une échelle locale pour qu’elles deviennent de vrais leviers de la solidarité.
L’enjeu de la solidarité est bien trop important pour qu’il reste un épiphénomène. Les acteurs sociaux doivent cesser de considérer l’Europe comme une entité contraignante et immatérielle. Elle est avant tout un terreau fertile dans lequel des actions sont accomplies chaque jour pour que vive une certaine idée du partage et de la collaboration. Il s’agit de faire un pas de côté et de regarder ce que fait le voisin pour permettre de valoriser et diffuser les initiatives les plus remarquables.
Certains acteurs politiques l’ont bien compris. La ministre française Martine Pinville organisera d'ailleurs, pour l’anniversaire de sa nomination, une conférence européenne à Paris le 17 juin. À cette occasion, elle lancera un appel pour que les entreprises sociales prennent de l’ampleur au niveau européen.
Ce n’est qu’en acceptant le changement d’échelle des entreprises sociales que la Solidarité pourra se consolider. Les problèmes que rencontrent les uns concernent nécessairement les autres et il s‘agit bien, ici, de construire encore et toujours une Europe plus solidaire et plus inclusive.
Solidairement vôtres,
Françoise Kemajou et Denis Stokkink